Le CEVIPOF (Centre de Recherches politiques de Sciences Po) a publié, à l’été 2021, les résultats de la vague 12 bis de son baromètre de la confiance politique. Quatre grandes conclusions en étaient tirées :

La Police a en grande partie recouvré le capital confiance constitué à l’occasion de la vague d’attentats des années 2015 et 2016, après une forte baisse en 2020.

En février 2020, la cote de confiance dans la police a en effet atteint son niveau le plus bas depuis 2015, avec seulement 66% des citoyens déclarant faire confiance à la police, perdant le capital de confiance constitué à la suite des attentats de janvier 2015 à Paris notamment (80% de confiance en février 2015, soit 11 points de plus qu’un mois auparavant).

En février 2021, ce taux était légèrement remonté, à 69% (soit trois points supplémentaires), puis de nouveau 4 points gagnés entre février et mai 2021, ce qui porte la confiance à 73%, dans la moyenne des taux de confiance chez nos voisins britanniques (71%) et allemands (75%).

La perception négative du maintien de l’ordre à l’occasion des manifestations de Gilets jaunes a accéléré l’érosion de la confiance dans la Police.

Alors que le niveau d’engagement de la police lors des manifestations des Gilets jaunes a été particulièrement intense, les chiffres mettent en exergue une détérioration brutale de la confiance que lui accordent les Français, avec une perte de 8 points de confiance entre décembre 2018 et février 2020 (de 74% à 66% de confiance). Celle-ci est à mettre directement en lien avec les manifestations hebdomadaires et répétées des Gilets Jaunes, à l’occasion desquelles le maintien de l’ordre a fait l’objet d’inflexions tactiques très médiatisées.

Pourtant, à peine 4% des Français déclarent avoir été en contact physique avec la Police à l’occasion d’une manifestation publique au cours des trois dernières années, alors qu’ils sont près d’un tiers, sur la même période, à déclarer ne pas lui faire confiance. Ces résultats permettent d’affirmer que la fabrique de la confiance est donc intermédiée et, qu’en matière de confiance dans la police, la perception surpassait l’expérience.

Les multiples mises en cause de la Police en 2020 n’ont pas altéré la confiance que lui portent les Français en général.

 Alors que les discours critiques à l’égard la Police ont été à la fois médiatisés, continus et mobilisateurs, la confiance que lui portent les Français en 2021 ne se dégrade pas. Elle marque un léger rebond passant de 66% en 2020 à 69% en 2021, puis atteint même 73% en mai 2021.

De même, les Français ne souscrivent pas massivement aux accusations de violence et de racisme dont la Police française a pu être l’objet en 2020 : 71% des citoyens jugent la police honnête, 71% la jugent efficace, 82% jugent qu’elle n’a pas suffisamment de moyens, et seulement 18% d’entre eux considèrent que la Police compte proportionnellement plus de racistes que dans d’autres milieux professionnels.

En revanche, ces mises en cause ont fortement dégradé la confiance des jeunes envers la Police.

En 2021, la confiance dans la Police des 18-24 ans Français chute de 10 points en un an, passant de 62% à 52%, là où cette dégradation n’est que de 4 points pour les jeunes du même âge en Grande-Bretagne, et de 2 points en Allemagne.

L’écart par rapport à la moyenne générale des Français passe de 4 points à 17 points. En mai 2021, malgré une légère remontée de la confiance des jeunes, l’écart se creuse avec le reste de la population, à hauteur de 18 points (55% contre 73%).

 Comparativement à la moyenne des Français en général, le regard des 18-24 ans envers la Police est globalement plus critique et plus sévère : alors que 71% des Français en général jugent la police honnête, ils ne sont que 50% chez les 18-24 ans. 55% des jeunes estiment que la Police ne traite pas les citoyens avec respect, contre seulement 35% chez les Français en général.

Les jeunes citoyens français se montrent également plus critiques que leurs homologues britanniques et allemands. A titre d’exemple, 69% des 18-24 allemands et 60% des 18-24 ans britanniques considèrent leur Police honnête, contre 50% des jeunes Français. Alors que 55% des 18-24 ans Français considèrent que la Police ne traite pas les citoyens avec respect, ce chiffre est moitié moins élevé en Allemagne (29%).

L’enjeu de la restauration de la confiance des jeunes dans la police, en tenant compte de leurs représentations subjectives et de leurs perceptions, est donc l’un des principaux défis du ministère de l’Intérieur. Cette restauration passe par le renversement nécessaire des représentations, passant par la substitution progressive de l’expérience à la perception, ce qui implique par conséquent le renforcement des contacts, de nature préventive, entre la police et la population.

 Cela peut passer par un ancrage territorial plus marqué des forces de police. Cette restauration de la confiance des jeunes est aussi l’un des principaux enjeux de la mise en place de la réserve opérationnelle de la police nationale, qui devrait voir le jour dans les mois à venir suite au vote de la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.