
Lancé à l’initiative du ministère de l’Intérieur en avril 2024, le Beauvau de la Sécurité civile, grande démarche de concertation nationale, vise à repenser profondément le modèle français de Sécurité civile dans un contexte de multiplication des crises et d’évolution des risques. Entre janvier et avril 2025, le Continuum Lab a lancé un groupe de travail et conduit des auditions d’experts et d’acteurs opérationnels de la gestion des crises. Ces entretiens lui ont permis d’identifier des solutions concrètes et de les formuler auprès des pouvoirs publics au printemps 2025. Olivier Renaudie, Professeur de droit public à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, président du comité scientifique du Continuum Lab et membre du groupe de travail « Gestion de crise de sécurité civile » en dit plus.
Quel a été votre parcours ?
J’ai fait des études de droit, je me suis spécialisé en droit public. J’ai fait des études à l’université Panthéon-Assas. J’ai rédigé une thèse de doctorat sur la préfecture de police qui m’a donné le goût des sujets liés à la sécurité, à la police.
J’ai creusé ce sillon en termes de recherche tout au long de mon parcours professionnel qui m’a conduit à être successivement maître de conférence en droit public à l’université Panthéon-Assas, professeur de droit public à l’université de Lorraine à Nancy, et puis enfin, ce que je suis toujours, professeur de droit public à l’université Paris 1, Panthéon-Sorbonne.
J’ai écrit plusieurs ouvrages et articles sur ces questions de police et de sécurité dans leurs différentes dimensions : la sécurité intérieure, la sécurité publique, la sécurité civile. Ce que j’essaye de faire depuis maintenant une vingtaine d’années, c’est de réfléchir sur les règles applicables à ces différentes dimensions de la police et de la sécurité et d’essayer de réfléchir sous un angle critique à la manière dont celle-ci évolue dans la société d’aujourd’hui et ce qui peut être positif d’un côté et critiquable de l’autre.
C’est donc dans ce cadre que prend place à titre personnel une réflexion sur les questions de sécurité civile et les questions de secours et de lutte contre l’incendie.
Pourquoi avez-vous choisi ce groupe de travail, comment se déroulent vos travaux ?
Le choix de ce groupe de travail s’est imposé comme une évidence, il y a deux raisons à cela.
On assiste ces dernières années à une multiplication des crises, crises de tous types, les crises environnementales, les crises terroristes, les crises économiques, les crises sanitaires. Donc, il faut aujourd’hui, on ne peut pas en faire l’économie, réfléchir sur les différents enjeux liés à la multiplication de ces crises et à la manière dont les pouvoirs publics sont susceptibles d’y faire face.
La seconde raison, elle porte sur la sécurité civile. Les sapeurs-pompiers, la lutte contre l’incendie et la distribution des secours connaissent une actualité particulière qui tient à ce que le modèle français de sécurité civile est aujourd’hui questionné : dans son organisation, sa gouvernance et son financement. L’enjeu, c’est son adaptabilité et notamment aux nouvelles formes de crises.
Donc, il m’apparut pour ces deux raisons très importantes de contribuer à la réflexion sur ce sujet de la sécurité civile face aux différentes crises qu’elle est susceptible de rencontrer aujourd’hui et essayer de faire un certain nombre de suggestions d’amélioration de notre modèle de sécurité civile afin que celui-ci soit plus résilient face aux crises.
Concrètement, comment se déroule le travail des membres du groupe de travail ?
Il se déroule de manière collective et ça, c’est évidemment très important.
Il y a des profils très différents qui composent ce groupe de travail et c’est au fond les parcours, les expertises croisées de chacun qui nous apportent beaucoup. Et au-delà des échanges que l’on peut avoir entre les différents membres du groupe de travail, ce qui se révèle fondamental, ce sont les auditions auxquelles ce groupe procède.
Une dizaine d’auditions qui ont été réalisées et ont permis d’entendre des spécialistes du sujet : parlementaires, directeurs de services départementaux d’incendie et de secours, représentants des associations d’élus locaux ou encore de représentants de syndicats de sapeurs-pompiers.
Ce sont ces auditions et les réponses apportées à nos questions qui ont nourri notre réflexion dans la perspective de rendre un rapport dans lequel des propositions de réforme, des propositions d’évolution ont été formulées afin de répondre aux enjeux contemporains de la sécurité civile face aux crises.
Comment, votre parcours particulier nourrit-il le groupe de travail ?
Parmi les membres du groupe de travail, beaucoup ont eu l’occasion, au titre de leur fonction, au ministère de l’Intérieur, comme préfet ou dans la fonction publique territoriale en tant que sapeurs-pompiers, d’avoir une connaissance pratique et opérationnelle des questions que nous traitons.
Ce n’est pas mon cas. Mon regard est différent. Je suis un universitaire, un académique, un théoricien. J’ai une connaissance davantage des règles applicables à ces questions que de la manière dont celles-ci sont appliquées sur le terrain.
Ces regards et expériences croisées, sont bénéfiques pour le groupe de travail, d’un côté, une personne peut avoir une connaissance fine des règles telles qu’elles figurent dans un code, et puis de l’autre, une autre peut avoir une connaissance plus expérimentale de la manière dont celles-ci sont appliquées en cas de crise.
C’est l’échange, la discussion, le dialogue entre ces différents regards qui ont permis, d’une part, de comprendre ce que signifient ces règles et comment elles sont appliquées, et puis de l’autre, de formuler des suggestions de réformes pour tenter d’améliorer le dispositif.
Qu’espérez-vous de ce rendu ?
Le Beauvau de la sécurité civile, c’est un moment de réflexion qui a été initié par le ministre de l’Intérieur à propos des grands enjeux de la sécurité civile. Notre volonté, était de formuler, sous la forme d’un rapport court avec des propositions de réformes, un certain nombre d’idées utiles à la sécurité civile.
Ce qui est sûr c’est que nous sommes aujourd’hui dans un moment de réflexion sur le modèle français de sécurité civile, il va être amené à évoluer de manière importante.
On espère que ces idées, ces pistes de réformes, ces suggestions d’évolution pourront nourrir la réflexion du Beauvau et l’occasion échéante d’être reprises par les pouvoirs publics à l’occasion de sa conclusion.
Ils sont membres du groupe de travail aux côtés d’Olivier Renaudie
l’Inspectrice générale Anne Cornet, le préfet honoraire Jacques Gérault, le secrétaire général du Continuum Lab, Olivier Desquiens, et directeur du Continuum Lab, Laurent Michel, et Anaëlle Reynes Chargée d’Affaires publique. Retrouvez prochainement le regard de certains d’entre eux sur leur engagement au sein du groupe de travail du Continuum Lab « Gestion de Crise de sécurité civile ».